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Déclaration du Forum régional syrien des ONG internationales à propos des conséquences des interventions militaires sur les populations civiles du Nord-Est de la Syrie

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Plaidoyer | Réduction de la violence armée | Urgence | International | PUBLIÉ LE 17 octobre 2019
Habitations détruites par les bombardements

Image d'archive - Destruction de la ville de Kobané et de la présence des restes explosifs de guerre, 2015 | © Ph. Houliat / HI

Le Forum régional syrien des ONG internationales (SIRF - Syria INGO Regional Forum) composé de 73 ONG internationales répondant à la crise syrienne, s’est déclaré profondément préoccupé par la détérioration rapide de la situation humanitaire depuis le début de l’opération militaire de la Turquie, le 9 octobre dernier. L’ONU estime que plus de 200 000 personnes ont été déplacées, et a adapté les chiffres prévisionnels de déplacement antérieurs pour inclure jusqu’à 400 000 personnes qui auront prochainement besoin d’aide et de protection. 

En trois jours, la ville de Hassaké a enregistré près de 60 000 arrivées suite à cette escalade de la violence, tandis que les hostilités dans la région ont également endommagé la station d’eau principale, désormais hors service. 400 000 personnes, dont 82 000 présentes dans les camps d’Al-Hol et d’Areesha, dépendent aujourd’hui de la solution provisoire consistant à pomper l’eau d’un barrage voisin, ne pouvant satisfaire que 50 % des besoins et fournissant une eau de mauvaise qualité. Le manque d’eau potable expose la population aux épidémies de maladies infectieuses, en particulier la diarrhée aiguë et la typhoïde, deux des maladies les plus signalées dans le nord-est en août 2019.

À ce jour, les attaques les plus violentes ont eu lieu à Tal Abyad, Ras al-Aïn et Qamichli. Le recours aux frappes aériennes et à l’artillerie dans ces zones ainsi que l’attaque du 13 octobre contre un convoi de civils fuyant Tal Abyad soulèvent de graves préoccupations concernant les attaques visant des civils, qui constitueraient une violation flagrante du droit international humanitaire. L’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées a entraîné des déplacements forcés massifs et des dommages disproportionnés aux infrastructures vitales. L’hôpital récemment rénové de Ras al-Aïn est de nouveau hors service et trois prestataires de soins médicaux de Tal Abyad sont inutilisables. De fait les habitants des zones les plus touchées n’ont plus accès aux services de santé essentiels

Le SIRF est préoccupé par le fait que plusieurs grandes installations humanitaires se trouvent dans un rayon de 30 kilomètres autour de la zone frontalière dans laquelle la Turquie a établi une présence militaire croissante, comme le camp de Mabrouka (qui comptait 3 170 habitants) et celui d’Aïn Issa (12 901 habitants). Le camp de Mabrouka a été en grande partie évacué et n’est plus accessible. La majorité de ses résidents se sont installés dans le camp d’Areesha, mais plusieurs familles n’ont pas pu partir et n’ont plus accès à la nourriture, à l’eau ou à un abri. 

Alors que les besoins humanitaires se sont considérablement accrus, l’opération a forcé de nombreuses ONGI à suspendre leurs services et à évacuer le personnel international. Ces derniers jours, les membres du SIRF ont perdu l’accès à leur bureau d’Aïn Issa, à 50 kilomètres de la frontière entre la Turquie et la Syrie, après que la ville a été placée sous le contrôle des groupes armés non étatiques soutenus par la Turquie. 

Les travailleurs humanitaires syriens craignent pour leur vie et celle de leur famille, car il n’est pas en mesure de trouver refuge dans les zones contrôlées par le gouvernement en Syrie ou dans les pays voisins. Les organisations humanitaires font état de déplacements massifs de personnel national, ainsi que de préoccupations quant à l’augmentation des restrictions de leur liberté de circulation en raison du risque de conscription. 

L’accès humanitaire étant déjà compromis, tout nouveau changement soudain dans le contrôle ou la présence de troupes pourrait déstabiliser davantage la zone et les itinéraires sans danger sur lesquels les organisations humanitaires s’appuient actuellement pour rejoindre les personnes dans le besoin. À la lumière de l’accord politique annoncé récemment entre les autorités kurdes et le gouvernement syrien, nous appelons les autorités compétentes à faire de l’accès continu aux organisations humanitaires une priorité. 

La population du nord-est de la Syrie, dont une grande partie a été déplacée à plusieurs reprises, a déjà enduré des années de conflit et a souffert d’une détresse physique et psychologique inimaginable. Le SIRF est très préoccupé par le fait que nombre de ces civils sont désormais contraints de fuir vers le sud et pourraient être forcés de trouver refuge dans des zones avec une forte  présence de munitions explosives. Les zones ayant connu des conflits lors de la défaite de l’État islamique, comme Raqqa, sont jonchées d’engins explosifs improvisés et de mines.

Le Forum régional syrien des ONG international (SIRF) est également préoccupé par les déclarations des autorités turques selon lesquelles l’un des objectifs de l’opération militaire est d’établir une zone dans laquelle elles chercheront à renvoyer les réfugiés. Le SIRF souligne que la plupart des réfugiés en Turquie ne proviennent pas de régions que la Turquie cherche à contrôler et rappelle à la Turquie son obligation de respecter le principe de non-refoulement. 

Le SIRF estime qu’une action urgente est nécessaire et appelle : 

•    toutes les parties au  conflit à s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu du droit international et du droit international humanitaire et à s’abstenir de prendre pour cible les civils et les travailleurs humanitaires, ainsi qu’à faire preuve de retenue afin de protéger l’approvisionnement en eau, les installations sanitaires, les écoles et les camps de personnes déplacées ;
•    toutes les parties au conflit à mettre fin à l’emploi d’armes explosives à vaste portée dans les zones peuplées ;
•    toutes les parties au conflit et la communauté internationale à veiller à ce que la liberté de circulation et l’accès humanitaire soient garantis ;
•    toutes les parties à enquêter sur d’éventuelles violations du droit international humanitaire, en particulier sur les attaques contre des civils et les infrastructures civiles, et à veiller à ce que les responsables rendent des comptes ;
•    le Conseil de sécurité des Nations Unies à adopter la résolution 2165 pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire dans le nord-est de la Syrie ;
•    les gouvernements donateurs à se tenir prêts à fournir le niveau requis de financement d’urgence et à aider les acteurs humanitaires à réagir efficacement.

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